Mercredi 16 octobre 2013 à 18 h
En présence des artistes
Ce programme réunit deux artistes qui vivent non loin du Havre et ont en commun de produire une œuvre singulière, ancrée dans le littoral du Pays de Caux, bordé par les falaises (Vattetot-sur-Mer, Bénouville).
Pierre Creton
Le marché (petit commerce documentaire) / 2010, 30’, vidéo, couleur
En 1990, en même temps que je rencontrais l’apiculteur Marcel Pilate qui changea ma vie (qui m’en donna le goût, plus exactement) et qui m’embaucha, je découvrais grâce à Michel Surya, dans sa biographie sur Georges Bataille La mort à l’œuvre le nom d’Alexandre Kojève. Je fis alors un film sur un thème à la fois musical et philosophique, celui du voisin et de la vicinalité (Le vicinal) qui associait Pilate et Kojève dans une lecture fragmentée de l’introduction à la lecture de Hegel : "Le Désir humain doit porter sur un autre Désir. Pour qu’il y ait Désir humain, il faut donc qu’il y ait tout d’abord une pluralité de Désir (animaux)". Plus loin : "Dans la ruche il y a division du travail"… Vingt ans plus tard à Fécamp, sur le lieu même où j’avais accompagné Marcel Pilate pour vendre le miel : Le marché, j’apprenais la présence de Michel Surya comme habitant voisin. La rencontre avec l’homme eut lieu, plus belle que ce que j’aurais pu imaginer ou espérer. Entre temps il avait publié Portrait de l’intermittent du spectacle en supplétif de la domination. Une position que je partageais : "On regardera un jour cette époque comme celle qui, au moyen du marché, soumit l’art aussi parfaitement que, quelques siècles plus tôt, les princes et le clergé le soumettaient absolument". J’ai choisi pour ma part un autre marché, plus humain (animaux), comme communauté. J’ai eu envie de filmer ce marché et pour rendre hommage à Surya de revisiter Kojève, qui décidément continuait de me faire rire. Sabine Haudepin (en voisine, aussi) sut parfaitement exprimer par sa lecture ce sentiment.
Sophie Roger
Le point aveugle / 2012, 30’, vidéo, couleur
Avec Les jardiniers du petit Paris (FID 2010), Sophie Roger marquait déjà toute l’attention qu’elle porte au paysage et aux plantes, à la fois écrins et métaphores. Le point aveugle, filmé depuis l’espace clos d’un jardin normand nous en offre une nouvelle variation.
En prologue, une femme dans un cabinet d’ophtalmologie, vue à travers une machine devenue à l’écran pupille, alors qu’il est question de trouver le point aveugle, cette partie infime de la rétine qui ne voit pas. Histoire de regard et d’image manquante ? Puis, dans un jardin à l’atmosphère teintée de fantastique : une silhouette entr’aperçue, une femme silencieuse et les plantes qu’elle soigne, des fleurs filmées au plus près de leur surface soyeuse, un pied de gurunna que l’on replante, des graines que l’on récupère, la reproduction d’un double portrait peint par Pontormo, un œil qui se révèle derrière le trou qui creuse une large feuille verte. Autant de signes énigmatiques, semés par touches. Et aussi, furtives, des images du Chili, puis un crâne. Peu à peu, les pièces s’assemblent, un tableau s’esquisse. Les images et les sensations d’ici semblent résonner avec le paysage de là-bas.
Sans un mot, tout de pudeur et de délicatesse, Le point aveugle dessine le halo d’une histoire où l’amitié et le souvenir en seraient les biens précieux, auxquels il convient de prodiguer les soins les plus attentionnés, comme à cette plante déplacée, fragile. (Nicolas Féodoroff / FID MARSEILLE 2012)
Infos pratiques
Les projections ont lieu dans L’auditorium du Musée d'art moderne André Malraux - MuMa Le Havre
2, boulevard Clemenceau / 76600 Le Havre
renseignements : 02 35 19 62 72
L’entrée est libre dans la limite des places disponibles